Quitter son pays…peut-on y retourner un jour?
C’est quelque chose à laquelle j’ai pensé récemment.
Nous sommes si heureux d’avoir quitté le Canada en 2014. Nous avons passé les six premières années à voyager à temps plein, et les quatre dernières à vivre en Espagne (avec l’objectif d’obtenir la résidence permanente). On dirait que le Canada est en piteux état depuis notre départ : tous les Canadiens que nous croisons aujourd’hui se plaignent du coût de la vie, des soins de santé, du manque de logements et des vols de voitures. Il y a quelques jours à peine, nous avons entendu aux nouvelles qu’un homme avait tiré sur des voitures sur la 401 (l’autoroute principale qui traverse l’Ontario). C’est tellement anti-canadien. Ou peut-être que la vérité, c’est que le Canada n’est plus le même pays.
Pourtant, il m’arrive parfois de repenser avec nostalgie à certains aspects de la vie au Canada. Les traversées en voiture des régions reculées du Québec, les balades à vélo sur les grandes pistes cyclables de Montréal (la plupart des villes canadiennes sont bien plus cyclables qu’à l’étranger), la possibilité d’aller au restaurant de quartier pour déguster une cuisine indienne, vietnamienne ou des sushis. Les villes canadiennes sont très multiculturelles, ce qu’on ne voit pas toujours à l’étranger. Regarder un match de hockey en direct me manque. Je suis toujours un fan de hockey (et je le serai toujours) et je regarde ces résumés de 10 minutes au réveil le lendemain matin. Ce n’est pas pareil. Mais ce qui me manque probablement, c’est la facilité avec laquelle on peut faire les choses et la gentillesse générale des Canadiens. Vivre à l’étranger, c’est un combat constant entre la langue, la culture et les formalités administratives inconnues. Parfois, ça vous atteint.
Je pense qu’il est dans la nature humaine de voir les choses en rose et d’oublier toutes les raisons pour lesquelles on a quitté son pays.
Mais même si vous vouliez y retourner, le pourriez-vous ? Pour nous, cela fait maintenant 10 ans, c’est long.
Voici quelques réflexions à ce sujet.

Il n’y a rien vers quoi revenir
Il n’y a littéralement plus rien où retourner.
Lorsque nous avons quitté le Canada en 2014, nous avons loué notre condo et tout mis en garde-meuble. En 2017, nos locataires ont voulu acheter leur propre maison, ce qui nous a obligés à prendre une décision : trouver d’autres locataires ou vendre ? Nous adorions voyager à plein temps, alors la décision a été facile : nous avons vendu le condo. Nous avons également fait expédier tous nos biens en Europe (dont nous nous sommes débarrassés depuis. C’est un autre article).
En fin de compte, nous n’avons plus de maison et nous n’avons plus de quoi la remplir. En Europe (surtout en Espagne), louer un appartement entièrement meublé est la norme plutôt que l’exception. En Amérique du Nord, nous devrions littéralement acheter tout ce dont nous avons besoin pour remplir une maison.
Nous n’avons plus d’amis à la maison. Plus on reste loin de chez soi, plus on s’éloigne de ses amis… au point qu’ils ne sont plus des amis.
Bien sûr, on pourrait revenir et peut-être que des amis nous accepteraient à nouveau dans leur vie. Mais ça fait dix ans, et ils ont leurs propres amis et leurs propres habitudes.
C’est donc ce que je veux dire par « il n’y a plus de retour possible ». Il faudrait littéralement recommencer nos vies à zéro.
« Chez nous » a peut-être changé… ou est restée la même
De nombreux Américains ont quitté les États-Unis ces dernières années en raison des tensions politiques dans leur pays.
Mais envisagez l’inverse : que se passe-t-il si vous êtes Américain et que vous envisagez de rentrer ? Il y a dix ans, Obama était président et l’ambiance était tout autre. Certains Américains pourraient ne jamais vouloir rentrer pour les mêmes raisons que tant d’autres qui partent actuellement*.
*Nous connaissons une avocate spécialisée en immigration qui a été extrêmement occupée, la plupart de ses clients étant des Américains fuyant les États-Unis.
Le Canada est également en pleine mutation et il semble désormais inévitable que les libéraux soient évincés par un gouvernement conservateur. Comme les États-Unis, le Canada vire à droite.
Lorsque nous avons quitté le Canada en 2014, nous nous sommes juré de ne jamais retourner là où nous vivions. Nous vivions au Québec, où les anglophones sont minoritaires. C’était bien quand je travaillais, mais j’ai toujours dit que je ne prendrais jamais ma retraite dans un endroit où je me sentirais comme un citoyen de seconde classe*.
*Le français était ma langue maternelle et je suis né dans une petite ville du Québec. Mais dès l’âge de 9 ans, mes parents ont commencé à voyager… À mon retour à Montréal pour l’université, j’avais 19 ans et j’avais perdu mon français. Je l’ai réappris, mais je n’ai jamais surmonté mon accent anglais.
Après des années de déclin politique sur la langue, celle-ci a connu un regain d’intérêt ces dernières années. Je ne retournerais jamais au Québec. Si jamais je retournais au Canada, ce serait ailleurs.
Mais ce que je veux dire, c’est que le pays que vous avez quitté n’est peut-être pas celui où vous revenez politiquement parlant… ou qu’il a peut-être les mêmes orientations politiques que celles qui vous ont poussé à partir.
Vous n’avez peut-être pas les moyens de vivre dans votre pays
La principale raison pour laquelle nous avons quitté le Canada est notre désir d’explorer le monde. À notre départ, Lissette travaillait encore à distance et gagnait un revenu de l’entreprise montréalaise pour laquelle elle travaillait. C’était le meilleur des deux mondes: gagner un revenu canadien tout en « vivant » dans des endroits comme la Thaïlande, l’Ukraine et Prague.
Elle a perdu son emploi en 2019. Nous avons donc pris notre retraite à 44 ans (moi) et 52 ans (elle).
Nous avons bien géré nos investissements pendant cette période, ce qui nous a permis de mener une vie très agréable (sans être extravagante).
Mais pourrions-nous nous permettre de vivre à nouveau au Canada ? On entend dire aujourd’hui qu’il faut débourser environ 2 500 $ canadiens pour un appartement, même le plus basique, dans une ville canadienne. Il y a une crise du logement en cours. Et avec l’inflation des dernières années, le coût de la vie est probablement environ le double de ce qu’il est en Espagne.
Non. Le Canada est un endroit formidable si vous avez un bon emploi. Mais une fois que vous arrêtez de travailler, vous perdez de l’argent…
météo
Six mois d’hiver. Froid et gris, la glace se transforme en neige fondante, puis se transforme à nouveau en glace. Voilà ce que nous avons enduré.
Comme je l’ai dit plus haut, le Canada est un pays formidable si on a un bon travail qui nous rend heureux et motivés. Nous sommes tous les deux reconnaissants de l’avoir eu, d’avoir eu de belles carrières et d’avoir travaillé avec des gens bien. Mais quand on ne travaille pas, que fait-on ? Rester à la maison à regarder ce temps maussade par la fenêtre… tout en payant 2 500 $ pour un appartement d’une pièce?
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai écrit ce billet et je me souviens maintenant de toutes les raisons pour lesquelles nous avons quitté le Canada. Il nous faut tous nous le rappeler parfois. Vivre dans un nouvel endroit peut être frustrant et on peut souvent se sentir isolé. Je me souviens qu’il y a des années, j’avais la même discussion avec ma mère qui avait quitté le Canada pour vivre en Thaïlande (et maintenant au Mexique). Au fil des ans, elle ressentait parfois les mêmes sentiments et se remémorait la vie en Allemagne (petite fille) et au Canada (adulte). Je travaillais à l’époque et je devais la convaincre, lui rappeler les raisons de son départ du Canada et tous les bons côtés du pays où elle vit. À 78 ans maintenant et vivant au Mexique, elle a surmonté la nostalgie et affirme que déménager au Mexique a été la meilleure chose qu’elle ait jamais faite.
Le fait est que nous avons tous nos moments de faiblesse lorsque les choses se compliquent. Nous commençons à tout remettre en question et à regarder nos vies antérieures avec des lunettes roses. C’est à ce moment-là qu’il est bon de faire le point et de réfléchir à toutes les raisons pour lesquelles vous avez choisi cette vie et à toutes les raisons pour lesquelles vous ne voudriez pas rentrer chez vous.
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